Quelle est la meilleure solution de réhydratation pour l’enfant avec gastro-entérite ?
La réhydratation est la pierre angulaire du traitement de la gastro-entérite. Combien de fois j’ai prescrit à l’urgence mineure une solution commerciale à base d’électrolytes en me disant que c’était le « Saint Graal », ni trop salée, ni trop sucrée, idéale pour tout enfant déshydraté… Mais encore faut-il que l’enfant veule en boire ! Des données démontrent que bien des enfants en bonne santé ne raffolent pas des solutions orales de réhydratation… Déjà qu’un enfant malade peine à s’hydrater : que faire s’il ne l’aime pas, ma « solution orale idéale » ? Et c’est sans parler du coût associé. Pour éviter la déshydratation ou une hospitalisation, vaut-il mieux qu’un enfant boive son liquide préféré ou ma solution commerciale balancée ?
C’est exactement à cette question que Freedman et al. ont tenté de répondre. L’étude publiée récemment dans le JAMA provient d’un centre hospitalier tertiaire en pédiatrie, à Toronto. 647 enfants entre 6 et 60 mois avec une déshydratation minime et gastro-entérite légère ont été randomisés à une « solution orale balancée avec électrolytes » ou à du « jus de pomme dilué de moitié / suivi du liquide préféré de l’enfant ». Chacun des enfants se faisait remettre après le triage une enveloppe qui contenait 2L du liquide « de départ ». Un feuillet d’instruction écrit suggérait aux parents de donner le liquide de remplacement 5 cc à la fois (une cuillère à thé) à tous les 2-5 minutes. On mentionnait aussi de remplacer chaque vomissement avec 2cc/kg de liquide et chaque diarrhée avec 10cc/kg du fluide recommandé. Dans le groupe « jus de pomme dilué de moitié/liquide préféré », les parents étaient avisés qu’ils pouvaient donner toute forme de liquide, si l’enfant n’aimait pas le jus de pomme dilué (sans restriction… lait, jus, même boissons de sport à haute teneur en sucre, qui sont non-recommandées habituellement dans les guides de pratique). Les parents étaient avisés de ne pas « communiquer » aux professionnels de la santé dans quel groupe l’enfant avait été randomisé (étude à simple aveugle, seul le parent était au courant).
Étaient inclus les enfants avec au moins 3 vomissements ou diarrhées dans les 24 heures, avec moins de 96 heures de symptômes et une déshydratation minime (score clinique Clinical Dehydration Scale <5 et refill capillaire < 2 sec). Les enfants avec maladies chroniques GI, abdomen aigu ou nécessitant une réhydratation intraveineuse d’emblée étaient exclus. Le recrutement se faisait 6 jours/semaine, 12 heures par jour, sur une période de 5 ans. Sur 3669 enfants éligibles, seulement 647 ont été randomisés, plus du tiers exclus par manque de présence du personnel de recrutement. L’âge moyen des enfants retenus était de 28 mois, avec en moyenne 5 vomissements et 3 diarrhées dans les derniers 24 heures. 68% des enfants dans les 2 groupes ont reçu de l’ondansetron (Zofran) lors de leur visite à l’urgence. Les deux groupes étaient comparables. Il y avait très peu de perte au suivi (99.5% des enfants randomisés ont eu un suivi quelconque).
L’issue primaire était un composé clinique de l’un de cinq critères qui suivent, dans les sept jours après la visite à l’urgence :
– hospitalisation ou soluté pour réhydratation
– visite subséquente à l’urgence ou en clinique pour GE
– prescription d’un médecin demandant un changement de solution orale
– une déshydratation clinique (CDS score > 5) ou perte de plus de 3% du poids corporel au suivi
Les résultats sont quand même étonnants. Le groupe « jus de pomme dilué/liquide au choix » a présenté un taux moindre du composé primaire 16.7% versus 25.0% pour la solution de réhydratation commerciale (différence, −8.3%; p < 0.001 pour un NNT de 12). L’effet bénéfique du groupe « jus de pomme dilué/liquide préféré » était plus fort pour les enfants âgés de plus de 24 mois (NNT 7). On a d’ailleurs noté dans les issues secondaires un taux moindre d’enfants nécessitant une pose de soluté pour réhydratation IV dans les 7 jours (2.5 % dans le groupe jus de pomme versus 9 % dans la solution commerciale, p=0.001, NNT 15).
Je retiens donc de cette étude que pour l’enfant avec déshydratation minime et gastro-entérite légère, le jus de pomme dilué de moitié suivi du liquide au choix de l’enfant, à coup de 5 ml aux 2-5 minutes, fait un aussi bon travail (voire mieux) qu’une solution de réhydratation commerciale avec électrolytes. La crainte de donner un liquide trop riche en sucre qui causera une diarrhée osmotique ne semble pas fondée dans cette population à l’étude. Il n’y a pas eu plus de cas d’hyponatrémie dans le groupe du jus dilué, mais il faut dire qu’il s’agissait d’enfants « peu malades », sélectionnés avec une déshydratation « minime ». L’important semble être que l’enfant « boive », en très petites quantités mais fréquemment, peu importe le choix dudit liquide. De choisir le liquide préféré de l’enfant semble donc présenter un avantage notable.
Bref, il faudra tout de même d’autres études pour corroborer les résultats provenant d’un seul hôpital à Toronto, avec possible biais de sélection (647 randomisés sur 3368 cas possibles). La prochaine fois que la gastro frappera près de vous, pas besoin d’avoir une bouteille de solution électrolytique au frigo en réserve : un bon vieux jus de « pomme dilué de moitié » semble être un excellent fluide de départ… peu importe le liquide, l’important étant que l’enfant en boive !
En espérant que la saison de la gastro-entérite sera bien vite dernière nous,
Frédéric Picotte, MD
Stephen B. Freedman et al. Effect of Dilute Apple Juice and Preferred Fluids vs Electrolyte Maintenance Solution on Treatment Failure Among Children With Mild Gastroenteritis A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2016;315(18):1966-1974.
http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=2518402
Article original publié en ligne le 30 avril 2016.