Avec le retour du temps froid, on voit que les salles d’attente de l’urgence se remplissent, les virus reprennent force, c’est la saison des nez rouges et des boîtes de mouchoirs. Nous avons vu l’an dernier, fin décembre, qu’il n’y avait pas de traitement miracle pour « la fameuse bronchite ». Qu’en est-il du rhume ? A-t-on un traitement quelconque qui permette d’en réduire la durée ?
Débutant un mal de gorge, je me suis rappelé un article que j’avais vu passé dans le JAMA en avril 2014 : « Oral zinc for the common cold ». Il ne s’agit pas d’une étude originale, mais bien d’un synopsis de données probantes provenant d’une revue Cochrane.
La conclusion de l’auteur de cet article résumé est la suivante : « Lorsqu’initié dans les 24 heures suivant le début des symptômes, le zinc oral est associé à une durée réduite du rhume chez les personnes en bonne santé. Il n’y a toutefois pas d’association entre le zinc et la sévérité des symptômes. De plus, la prévalence des effets indésirables associés est élevée. Compte tenu de l’importante hétérogénéité des données, ces résultats devraient être interprétés avec prudence. »
L’auteur explique le mécanisme physiologique théorique sous-jacent qui aurait à voir avec l’inactivation du récepteur ICAM-1 qui permet au rhinovirus de s’attacher aux cellules nasales. En le bloquant, le zinc permet de réduire la propagation du virus.
Selon la méta-analyse de 16 études, la durée moyenne du rhume était de 6.75 jours chez ceux qui ont pris du zinc versus 7.5 jours dans le groupe placebo (une différence de -1.04 jours [95% Cl, -2.02 à -0.05). Cependant, dans une analyse de sous-groupe chez les patients ayant consommés plus de 75 mg/jr de zinc, la durée moyenne de l’IVRS était de 4.47 jours versus 8.68 jours pour les utilisateurs de moins de 75 mg/jour : donc -3.43 jours de rhume pour le dosage de zinc plus élevé! Il faut toutefois spécifier que ce gain potentiel s’est aussi traduit par plus d’effets indésirables : 46.5% des utilisateurs de zinc ont rapporté des effets secondaires versus 36.8 % pour le placebo (number needed to harm, NNH 10). Les effets secondaires les plus communs étaient le mauvais goût (29.2% zinc versus 16.4 % pour placebo) et la nausée (22.3% zinc versus 10.6 pour placebo).
J’ai donc tenté de retrouver des pastilles de zinc qui fondent en bouche, dans le rayon des produits naturels. J’ai mis la main sur une pastille d’Adrien Gagnon, qui contient 15 mg de zinc (nécessiterait donc 5 pastilles par jour, donc aux 3-4 heures, pour atteindre le 75 mg par jour). Malheureusement, ce losange à saveur de fruits contient aussi des produits naturels comme la vitamine C, l’échinacée, l’astragale et l’orme rouge… ce qui rend une comparaison avec nos données probantes impossible, car non-étudié. De plus, je ne peux me prononcer sur les interactions médicamenteuses et les effets indésirables de ces autres ingrédients actifs de ladite pastille, sans données probantes. Je déconseillerais donc ce traitement aux patients d’âge avancé ou atteints de maladies chroniques ou consommant plusieurs médicaments de façon régulière.
En bref, il semblerait que 75 mg par jour de zinc en pastille débuté dès le premier jour de symptômes chez les adultes en bonne santé pourrait contrecarrer la prolifération du virus du rhume et peut-être en réduire la durée (de 1 à 3 jours). Malheureusement, comme avec la plupart des traitements, les effets secondaires sont fréquents. Il faudra donc de meilleures données, de plus grandes études, afin d’étayer davantage la sécurité et l’efficacité de ce médicament… car après tout, aussi fatigant que cela puisse l’être, on ne meurt pas d’un rhume !
En attendant, bon lavage des mains, bonne irrigation nasale et faites-vous vacciner pour la grippe (qui elle amoche et parfois tue)!
Dr Frédéric Picotte
Médecin de famille
JAMA. 2014 Apr 9;311(14):1440-1.
doi: 10.1001/jama.2014.1404.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24715076