Vous voyez chaque jour des patients avec pharyngite ou amygdalite. Bien qu’un grand nombre de ces patients viennent pour se faire rassurer qu’ils ne « couvent » pas un strep A, plusieurs consultent aussi parce que la douleur est mal contrôlée avec les analgésiques en vente libre. Certains présentent de l’odynophagie importante, de la difficulté à s’hydrater parfois. Peut-on proposer autre chose à nos patients qui souffrent d’un mal de gorge important ?
Une méta-analyse parue dans le BMJ en août 2017 a tenté de répondre à la question. Les auteurs ont fait une recherche compréhensive pour regrouper des études randomisées-contrôlées qui comparaient les cortico versus le traitement usuel ou un placebo, chez des enfants de plus de 5 ans ou des adultes, avec comme raison de consultation des symptômes liés à un mal de gorge. Les patients provenaient de la première ligne ou de l’urgence. Les études n’étaient pas incluses si elles avaient recruté spécifiquement des patients immunodéprimés, des maux de gorge liés à la mononucléose, des patients hospitalisés, des enfants avec suspicion de laryngite striduleuse ou des cas d’abcès péri-amygdaliens avérés. La méta-analyse a finalement compté 10 études avec un total de 1426 patients. Le taux de prévalence de strep A dans les études variaient de 14.9 à 100%. Les auteurs ont conclu que la DEXA 10 mg pour une dose améliore le taux de guérison à 48 heures (RR 1.5, qualité des preuves élevées). On parle d’un NNT de 5 pour un cas de guérison à 48 heures, dans cette population. La temps requis pour une résolution complète des symptômes était aussi diminuée dans le groupe cortico versus le placebo, donc -11.1 heures pour soulagement complet avec le cortico versus le placebo (qualité des preuves faibles). Pour vous donner un comparatif, le soulagement était environ de -16 heures lorsqu’un antibiotique était donné pour la pharyngite, versus le placebo (Spinks A, et al. Cochrane Database 2013).
Par ailleurs, une des études randomisées incluses dans la méta-analyse, celle de Hayward et al. parue dans le JAMA en avril 2017, a voulu étudier tous les patients avec pharyngite virale présumée, en excluant les cas de strep avérés ou ceux chez qui le clinicien jugeait d’emblée qu’un antibiotique était requis. Dans cette étude randomisée de pharyngite virale probable en première ligne (taux de strep faible, soit de 14.9% finalement), le NNT pour la dexa était un peu plus faible, soit à 11 pour guérir un patient à 48 heures. Donc, malgré un bénéfice statistiquement significatif, il semble que les pharyngites virales bénéficient moins du traitement avec le cortico.
Si on revient à la méta-analyse, 9 des 10 études ont porté attention aux effets indésirables du traitement. Selon ces données, il n’y avait pas d’augmentation significatives des effets indésirables liés au cortico, même si le suivi des effets indésirables n’était pas une issue primaire, et que la façon de vérifier les événements variait dans chacune des études rapportées.
Bref, je ne pense pas que la dexaméthasone PO soit un traitement de première ligne pour la plupart des pharyngites, que l’on voit dans nos urgences. Nos AINS et l’acétaminophène restent le traitement de première intention. Cependant, pour le patient très symptomatique, avec douleur ou difficulté à s’alimenter, la dexaméthasone orale 0.6 mg par kg, en une seule dose, ad un maximum de 10 mg, a le potentiel de réduire la durée des symptômes modestement et augmente les chances d’être guéri au jour 2 (à 48 heures), avec un « number needed to treat » (NNT) de 5. Je pense que c’est une corde de plus à l’arc du clinicien, lorsque les symptômes sont très incommodants, peu importe que le résultat du strep rapide ou de la culture.
Pour une condition aussi commune, je pense que l’étude vaut la peine d’être parcourue.
Frédéric Picotte, MD
Urgence de Shawinigan
Université de Montréal
SADEGHIRAD, Behnam et al. Corticosteroids for treatment of sore throat: systematic review and meta-analysis of randomised trials. BMJ 2017; 358: j3887.
http://www.bmj.com/content/358/bmj.j3887