La personne âgée qui chute de sa hauteur !
J’ai publié le 6 février 2015 un article sur l’utilisation du collier cervical et les données limitées qui s’y rattachaient… Je parlais d’ailleurs dans cet écrit d’une étude observationnelle où moins de 0.5 % des patients de plus de 65 ans avec chute de leur hauteur et fracture de la hanche avait une fracture cervicale associée. Dans cette étude, de ces rares patients avec une fracture cervicale, 8 des 11 patients avaient des facteurs de risque autres, augmentant la suspicion de fracture cervicale (signes de blessures à la tête, atteinte de l’état de conscience, etc.). Cette semaine, un lecteur me demandait de commenter l’utilisation des règles de décision clinique pour les rayons-x du rachis cervical chez la personne âgée avec mécanisme peu inquiétant. Dans les études originales de dérivation de NEXUS et de la Canadian C-Spine rule, les patients âgés de plus de 60 et de 65 ans respectivement étaient exclus. Nous avons plus tard obtenus quelques données dans la littérature décrivant l’utilisation de la règle NEXUS chez les patients âgés (Ann Emerg Med. 2002 Sep;40(3):287-93.). La Canadian C-Spine rule exige donc un rayon-X pour tous les patients âgés de plus de 65 ans… ce qui en limite son utilisation dans cette population. La difficulté avec le NEXUS chez la personne âgée réside souvent dans l’ « état d’éveil normal », car la confusion et les troubles cognitifs font légion chez la personne âgée. Par ailleurs, nous savons que les personnes âgées sont deux fois plus à risque de fractures cervicales, en particulier des fractures hautes à C1-C2, qui représentent 70% des blessures chez la personne âgée. Même si le taux de fractures manqués au rayon-X dans l’étude NEXUS était très faible (0.07%), les changements dégénératifs et l’ostéopénie rendent souvent l’interprétation des rayons-x plus limitée dans cette population. Ainsi, les algorithmes décisionnels semblent moins utiles dans cette population de personnes âgées, et je crois que le jugement clinique doit prendre le relai. Je me méfie particulièrement des patients avec troubles cognitifs importants et signes de TCC évidents (hématomes importants visage, contusions faciales, etc.) même s’ils ont chuté de leur hauteur. Je suis plus prudent si plainte de douleur au rachis lors de l’examen, même si contexte « chute de sa hauteur ».
L’étude récente FINE de « Denver et al » s’est d’ailleurs penchée sur la question. Les auteurs révèlent que la sensibilité est insuffisante pour la règle NEXUS chez la personne âgée et recommandent l’utilisation plus libérale du CT scan lorsque « chute de sa hauteur ». (J Emerg Med. 2015 May 25. pii: S0736-4679(15)00239-5. doi: 10.1016/j.jemermed.2015.03.005.). Dans cette étude, 5.3% des patients âgés avec chute de leur hauteur avaient une blessure significative au scan cervical, et la règle de NEXUS aurait manqué 4.1% des ces patients… Cependant, tous les patients de cette étude ont eu un scan du rachis, et cette étude n’a pas évaluée la sensibilité du rayon-x seul versus le scan…
En résumé, les patients âgés sont plus à risque de fracture cervicale, particulièrement de fracture cervicale haute, même avec un mécanisme à faible risque. Les règles cliniques semblent imparfaites dans cette population, et limitent donc leur utilisation. Une utilisation plus fréquente des rayons-x voire scan selon le doute clinique est suggérée, surtout en présence de confusion, douleur au rachis à l’examen ou hématome / signes de TCC évident, même si chute de sa hauteur. Merci pour votre intérêt !
Dr Frédéric Picotte
Médecin de famille
The FINE study
http://dx.doi.org/10.1016/j.jemermed.2015.03.005