Encore une hémoglobine trop basse ! Le labo de votre institution appelle, ils ont déjà validé le résultat deux fois. Le patient est « faible », « symptomatique » donc ? On transfuse ! Et on passe à un autre patient. Vraiment ?
Dans les dernières années, on a vu passer bon nombre d’études qui remettent en question les seuils transfusionnels (étude TRICC, étude TRISS). Le concept du « moins c’est mieux » a fait couler beaucoup d’encre. Malheureusement, en pratique, on ne peut toujours compter sur des investigations digestives rapides ou un suivi rapproché par le médecin traitant. Je suis souvent confronté à un patient avec anémie ferriprive chez qui on suspecte une spoliation à bas bruit, chronique, avec une hémoglobine en bas de 80-90… on pourrait le laisser partir avec du fer PO en externe, et des hémoglobines sériées, mais la tentation est grande de lui donner 1 ou 2 culots avant le départ, « juste au cas »… un « filet de sûreté » cognitif pour le clinicien qui donne le congé. Y a-t-il d’autres options ? Peut-on faire mieux, pour minimiser les risques des transfusions ?
J’aimerais partager avec vous cette semaine un autre écrit du site Emergency Medicine Cases que j’ai relu récemment : http://emergencymedicinecases.com/iv-iron-for-anemia-in-em…/
Vous y trouverez une intéressante discussion sur le seuil sécuritaire de transfusion, ainsi que les complications liées aux transfusions. L’écrit propose l’adoption plus libérale de remplacement du fer IV dans nos salles d’urgence, comme une alternative efficace aux culots de globules rouges. La principale contre-indication est une réaction au fer IV antérieure (allergie ou hypotension) et un sepsis actif. L’efficacité du fer IV est étonnante. Avec un supplément de fer PO associé, l’auteur reporte une augmentation de l’hémoglobine dans les 3-7 jours suivant l’infusion. On aurait dénoté une augmentation d’hémoglobine de 1-2 point par jour, donc un gain de 20-30 unités après 2-4 semaines.
Recette proposée dans l’article:
– Venofer 300 mg dans 250 cc NS ; infuser lentement sur 2 heures. Coût 120$.
Risques du fer IV: hypotension 1-2% et risque allergie sévère < 1/1 000 000
Risques transfusion de globules rouges:
– Allo-immunisation – particulièrement significatif pour jeunes femmes en âge de procréer (8 % incidence ; peut causer anémie hémolytique plus tard pour les grossesses futures, chez le fœtus) ; aussi risque possible de transfusions ultérieures difficiles pour la patiente elle-même
– 1/700 TACO (Transfusion Associated Fluid Overload)
– 1/ 10 000 TRALI (Tranfusion Related Lung Injury)
– 1/ 40 000 anémie hémolytique aiguë
Donc, il semble que le fer IV soit une belle alternative et « moins risquée » que les culots de globules rouges, pour les patients stables avec anémie ferriprive, particulièrement si jeunes. Par ailleurs, comme le cite l’American Society of Anesthesiologists, en traduction libre : « éviter les transfusions de globules rouges chez les patients jeunes et en santé sans perte sanguine continue, si leur hémoglobine est supérieure à 60 g/L, à moins d’instabilité ou de symptômes. Les symptômes incluent DRS, dyspnée, pré-syncope, tête légère, hypotension et tachycardie. À noter que la fatigue, la pâleur et la tolérance réduite à l’exercice ne sont pas des indications de transfusion. »
Fer IV à la place d’un culot… à considérer, dans le contexte approprié. Je vous réfère au site pour les détails,
Frédéric Picotte, MD
Anton Helman. Episode 65 – IV Iron for Anemia in Emergency Medicine.http://emergencymedicinecases.com/iv-iron-for-anemia-in-em…/