La cystite est l’une des consultations les plus fréquentes à l’urgence mineure, après les IVRS. Les symptômes sont classiques, le diagnostic différentiel plutôt simple, si bien qu’on peut se demander la pertinence d’écrire à ce sujet.
Partout dans les journaux médicaux et les guides de pratique, on pointe du doigt l’utilisation inappropriée ou le choix non-optimal de l’antibiotique. La revue « Le médecin du Québec » en faisait justement sont thème principal en février dernier (http://lemedecinduquebec.org/archives/2017/2/). Par ailleurs, rxfiles.ca (un équivalent de l’INESSS en Saskatchewan) vient de publier un excellent résumé portant sur le traitement des cystites non-compliquées et sur les infections cutanées (http://www.rxfiles.ca/…/ABX-2-Newsletter-Cystitis-and-SSTI.…) Basé sur les données probantes, ce document de 16 pages est rempli de perles, de rappels, de changements potentiels pour la pratique, visant une meilleure utilisation des antibiotiques.
Je me permets donc de vous partager un court résumé de ce document, couvrant les points qui m’apparaissent les plus marquants pour le traitement des cystites non-compliquées :
– Doit-on vraiment faire une culture ? La culture est rarement utile pour la femme avec symptômes urinaires classiques (dysurie, pollakiurie, fréquence urinaire augmentée) vu la haute probabilité pré-test. Elle est nécessaire en cas de cystite récente (en bas d’un mois), si enceinte, si suspicion de pyélonéphrite associée, si ATCD d’un germe multi-résistant, si hospitalisation récente ou si voyage à l’étranger (ailleurs qu’aux États-Unis).
– Quel est le meilleur choix d’antibiotique ? Le Macrobid 100 mg BID x 5 jours serait le choix initial optimal, en l’absence de symptômes de pyélonéphrite. Le taux de résistance au Macrobid (en bas de 5%) est beaucoup plus faible qu’avec le TMP-SMX (Septra) (autour de 20%) ou la Cipro (entre 10-20%), selon les régions. Il faut cependant éviter d’utiliser le Macrobid pour les patients avec clairance inférieure à 30 ml/min (auparavant 60 ml/min, les critères de Beers ont été révisés à cet effet en 2015). La fosfomycine 3 g x 1 dose est une alternative intéressante, vu l’absence d’ajustement rénal et son profil favorable en termes d’intéraction avec les autres médicaments. La fosfomycine est par contre deux fois plus cher que le Macrobid. Elle est encore efficace contre les bactéries multi-résistantes et parfois le pseudomonas. Cependant, on commence à voir des taux de résistance grandissant dans certains pays comme l’Espagne : mieux vaut donc garder la fosfomycine en réserve, et privilégier le Macrobid comme traitement de première intention. Le Septra est une autre possibilité, en l’absence d’antibiotique ou de cystite dans les 3-6 derniers mois. Il faut surveiller l’intéraction entre le Septra et les IECA / ARA chez nos personnes âgées, qui se traduit par un risque d’hyperkaliémie, et une possible augmentation du risque de mort subite (http://www.bmj.com/content/349/bmj.g6196.long).
– Quelle est la durée optimale de l’antibiothérapie ? Partout, les experts s’entendent : le traitement le plus court possible, le mieux, afin de diminuer la résistance. Pour la cystite non-compliquée, un traitement de 3 jours de TMP-SMX ou de ciprofloxacine est équivalent au traitement plus long. Un traitement de Macrobid doit compter un minimum de 5 jours, parce que les échecs avec un traitement de 3 jours sont plus élevés pour cet antibiotique (NNH 5). Pour la fosfomycine, une seule dose est nécessaire. Par ailleurs, certains patients autrefois considérés comme « compliqués » peuvent désormais se voir prescrire un traitement de courte durée : la plupart des dames âgées en communauté, les diabétiques sans complications et les patientes enceintes font partie de cette catégorie. On note d’ailleurs dans le Médecin du Québec de février un ajustement à la baisse pour la durée de traitement de plusieurs conditions (durée totale de 5 jours d’antibiotiques pour la plupart des sinusites, les pneumonies traitées en externe, les bronchites, les cellulites – cf photo jointe et voir le lien en bas pour l’article original avec les références… il n’y a que l’otite moyenne aigüe chez l’enfant de moins de deux ans où le traitement de 5 jours reste plus controversés. Je vous laisse lire le résumé ci-joint https://emcrit.org/emnerd/em-nerd-case-otalgic-squire/ pour vous faire votre propre idée à ce sujet, et je joins aussi la fiche de mars 2016 de l’INESSS https://www.inesss.qc.ca/…/INESSS-Antibio1-Otite-Enfant-fr_… )
– Qu’est-ce qu’une « cystite compliquée » ? Patients qui présentent une anomalie anatomique des voies urinaires (cystocèle, fistule, etc.), une dysfonction de la miction (reflux vésico-urétérale, vessie neurogène), une obstruction (urolithiase, stricture de l’urètre, HBP obstructive) ou patients avec sonde permanente. Sont parfois considérés comme « compliqués » les hommes, les femmes enceintes, les patients diabétiques avec neuropathie, les patients post-op ou immuno-déficients. Les patients avec cystite compliquée nécessitent un traitement avec antibiothérapie de deuxième ligne.
– Ciprofloxacine – vais-je vraiment prescrire du Cipro pour une cystite non-compliquée en première intention ???
Il faut tenter d’éviter les fluoroquinolones comme la ciprofloxacine pour les cystites non-compliquées. L’utilisation répandue des fluoroquinolones augmente la résistance aux gram – , ce qui limitera leur utilisation pour les infections urinaires compliquées. Leur rôle devrait être réservé pour les pyélonéphrites et les autres infections compliquées plus graves. Par ailleurs, la FDA a publié en juillet 2016 un avis concernant des effets indésirables sérieux impliquant les tendons, les muscles, les articulations et le système nerveux central, liés à cette classe d’antibiotiques. La FDA suggère donc d’éviter cette classe d’antibiotiques pour les sinusites, bronchites et infections urinaires non-compliquées, à moins que des alternatives soient impossibles. Les fluoroquinolones sont indiquées pour les infections plus graves, où leur bénéfice dépasse alors les risques.
https://www.fda.gov/…/News…/PressAnnouncements/ucm513183.htm
– Que faire en cas de récurrence de cystite ? Si le traitement avec antibiotiques date de moins d’un mois, il est alors suggéré d’obtenir une culture, de changer de classe d’antibiotiques, et de considérer alors un traitement de 7 jours. Si la récidive arrive plus d’un mois après la cystite initiale, le même antibiotique peut être prescrit de nouveau.
– Y a-t-il des facteurs de risque ou des traitements préventifs pour les patientes avec cystites fréquentes ? Malheureusement, les données de méta-analyses ne permettent pas de démontrer un bénéfice pour la miction après la relation sexuelle, l’hydratation fréquente, le jus de canneberge et les probiotiques. Le spermicide doublerait les risques de cystite, et est à éviter pour les femmes avec cystites récidivantes. L’antibioprophylaxie et l’estrogène local pour les femmes ménopausées sont des options démontrées par les données probantes.
– Une culture a été faite, mais un diagnostic alternatif a été posé dans l’intérim… la patiente n’a pas de symptômes urinaires… traite-t-on au cas où ??? Comme beaucoup de culture sont faites pour une diminution de l’état général ou initialement pour des douleurs abdo vagues, voire un délirium, il n’est pas rare qu’on reçoit une culture positive pour un patient qui n’est plus symptomatique. Tous les experts s’entendent, les données sont claires : il ne faut pas traiter une bactérurie asymptomatique (sauf chez la femme enceinte ou peri-op d’une chirurgie urologique)… au contraire, un traitement augmente alors les chances d’effets indésirables. Je vous réfère à un autre article de rxfiles.ca qui porte sur l’approche gériatrique aux « infections urinaires / bactéurie asymptomatique » : http://www.rxfiles.ca/…/uploa…/documents/GeriRxFiles-UTI.pdf. Comme les auteurs le précisent dans l’article, « un changement de la coloration de l’urine, de son odeur ou de l’état cognitif / éveil du patient, en l’absence de symptômes localisés du système urinaire, n’indique pas une infection urinaire ».
Pour certains, ce résumé peut sembler évident et confirmer votre pratique. Je pense néanmoins qu’il est bon de réviser les meilleures pratiques pour des diagnostics aussi fréquents, puisque nos prescriptions collectives ont alors un grand impact pour l’ensemble de la population, et nos taux de résistance aux antibiotiques. En espérant le tout utile,
Frédéric Picotte, MD
Urgence de Shawinigan
Nathalie Lussier. L’utilisation rationnelle des antibiotiques : C’EST L’AFFAIRE DE TOUS ! MÉDECIN DU QUEBEC, FÉVRIER 2017. http://lemedecinduquebec.org/…/1-l-utilisation-rationnelle…/
Rxfiles.ca newsletter : Antibiotics & Common Infections ABX-2: Uncomplicated Cystitis & Skin Stewardship, Effectiveness, Safety & Clinical Pearls- April 2017. http://www.rxfiles.ca/…/ABX-2-Newsletter-Cystitis-and-SSTI.…
Fiche INESSS Otite moyenne aigüe : https://www.inesss.qc.ca/…/INESSS-Antibio1-Otite-Enfant-fr_…
Rxfiles.ca : urinary tract infection in older adult : http://www.rxfiles.ca/…/uploa…/documents/GeriRxFiles-UTI.pdf