Les cotons-tiges ont mauvaise presse… les médecins, les infirmières, on le répète souvent : « les Q-tips, c’est mal ! » Et pourtant, tout le monde a des Q-tips… et personne ne les met dans ses oreilles ! Honnêtement, que fait-on avec tous ces Q-tips ? Ok… je l’avoue. J’en prends parfois… oui, je sais. Je plaide coupable. Mais quoi d’autre pour enlever la cire ? Oui, vous avez raison, je la pousse probablement encore plus loin dans le conduit. Mais qui veut des trous d’oreille dorés?
Mais est-ce que les Q-tips causent vraiment des dommages? Ou est-ce plutôt un mythe, une nuisance qui complique nos diagnostics d’otite moyenne aiguë ? Est-ce que ça mérite vraiment que j’écrive sur ce sujet anodin aujourd’hui ?
Les cotons-tiges ne sont pas une cause importante de morbidité ou mortalité… mais ils causent plus de visites à l’urgence qu’on ne l’aurait cru. Une étude observationnelle publiée récemment dans le Journal of Pediatrics a tenté de jeter un peu de lumière sur le sujet. Selon cette étude du registre NEISS, de 1990 à 2010, 263 338 enfants auraient été traités dans des urgences américaines pour des blessures aux oreilles liées aux cotons-tiges. Cela correspond à 17.6 blessures par 100 000 enfants annuellement. Pour vous donner une idée de grandeur, l’incidence des fractures de la cheville selon le même registre NEISS est de 49 par 100 000 personnes par année, et l’incidence de corps étranger au niveau du pied est de 6 par 100 000 personnes par année. De plus, ce taux de blessures lié aux cotons-tiges est probablement sous-estimé, puisqu’ il représente seulement les patients en bas de 18 ans qui ont consulté dans une urgence, et non les adultes ou enfants qui ont été vus par leur médecin, un ORL ou dans une clinique sans rendez-vous. De ces 263 338 blessures, l’étude reporte que :
– 73.2 % étaient liées au nettoyage de la cire, versus 9.7% associées à des enfants qui jouaient avec les cotons-tiges
– Plus des deux tiers des cas impliquaient des enfants en bas de 8 ans
– Chez les enfants en bas de 4 ans, le parent était responsable du dommage dans 79.1 % des cas (même s’ils faisaient certainement très attention, et qu’ils allaient « juste sur le bord»)
– Les diagnostics les plus souvent posés étaient un corps étranger chez 30 % des consultations, une perforation tympanique chez 25 % et une blessure des tissus mous chez 23%. 5 % ont été diagnostiqués avec une lacération.
La question se pose : est-ce que ces visites à la salle d’urgence auraient pu être évitées ? Sachant que ces complications existent, pourquoi continuer à utiliser des cotons-tiges ?
Que ce soit pour des raisons culturelles de propreté ou une « hantise » du cérumen, peut-être devrions-nous revoir notre désir d’avoir des oreilles immaculées. Le cérumen n’est pas dangereux, contrairement aux Q-tips qui engendrent des visites à l’urgence facilement évitables. Un patient avec des symptômes indésirables liés à du possible cérumen obstructif devrait consulter un professionnel de la santé, la plupart des établissements et cliniques ayant des ordonnances collectives ou individuelles permettant le lavage des oreilles par du personnel infirmier formé.
Probablement que la meilleure façon de ne pas utiliser de cotons-tiges est de ne pas en acheter en premier lieu… mais bon, c’est mon avis, je n’ai pas d’études là-dessus !
Frédéric Picotte, MD
Urgence de Shawinigan
Ameen ZS et al. Pediatric Cotton-Tip Applicator-Related Ear Injury Treated in United States Emergency Departments, 1990-2010. J Pediatr. 2017 Apr 25. pii: S0022-3476(17)30461-4. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28473166
Kaj Lambers et al. Incidence of Patients with Lower Extremity Injuries Presenting to US Emergency Departments by Anatomic Region, Disease Category, and Age. Clin Orthop Relat Res. 2012 Jan; 470(1): 284–290.https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3237997/