Étude REVERT – une autre manœuvre de Valsalva « modifiée » pour terminer les tachycardies supra-ventriculaires (TSV) – étude randomisée cette fois !
Nous avions discuté début août d’une étude de cas où d’allonger rapidement le patient à partir de la position assise permettait de terminer efficacement les tachycardies supra-ventriculaires (TSV). Je partage aujourd’hui une étude de plus grande envergure et de meilleure qualité, parue récemment dans la revue The Lancet, qui reprend une variation du thème. En effet, cette étude randomisée contrôlée réalisée chez 433 patients dans 10 départements d’urgence en Angleterre s’est penchée sur une nouvelle méthode de Valsalva « modifiée » pour traiter les TSV. Voici la méthode étudiée :
– le patient assis à 45 degrés dans la civière devait souffler contre une valve fermée pendant 15 secondes (Valsalva usuelle)
– puis, à la fin de l’expiration, s’allonger rapidement sur le dos
– par ailleurs, un membre du personnel élevait rapidement les membres inférieurs du patient à 45 degrés, une fois le patient en décubitus dorsal, pour 15 secondes supplémentaires
Le groupe contrôle (groupe « placebo ») ne soufflait que 15 secondes contre la valve fermée sans changement de position, donc une méthode de Valsalva « traditionnelle ». Pour s’assurer que les patients « forçaient » adéquatement lors de la méthode de Valsalva, un manomètre enregistrait la force d’expiration et le personnel s’assurait d’une durée adéquate de 15 secondes pour la manœuvre. Étaient inclus les patients de plus de 18 ans en TSV (QRS fin), qui étaient stables. On a cependant exclus les cas de FA rapide ou de flutter, les patientes enceintes et les patients avec contre-indications à pratiquer une manœuvre de Valsalva (sténose aortique, infarctus récent, glaucome, rétinopathie). Si la manœuvre de Valsalva échouait au premier essai, on accordait un deuxième essai à tous les patients, avant de juger la méthode inefficace.
Les résultats sont étonnants : la méthode de Valsalva « modifiée » où le patient était ensuite allongé rapidement avec les jambes dans les airs a permis de terminer l’arythmie chez 43 % des patients, versus seulement 17% chez les patients avec la méthode de Valsalva « traditionnelle » (Number needed to treat – NNT de 3.8). Il n’y a pas eu d’effets indésirables majeurs rapportés dans l’un ou l’autre des groupes.
Cette étude randomisée ajoute donc des données de « meilleure qualité » à notre étude de cas discutée auparavant en août. Les auteurs ajoutent que le manomètre n’est pas essentiel : ils suggèrent comme alternative de faire souffler le patient 15 secondes dans une seringue de 10 cc « juste assez pour faire reculer le piston », avant de procéder au changement positionnel (allonger le patient puis élever les membres inférieurs pour 15 secondes). On pourrait même remettre au patient une seringue de 10 cc pour utilisation à la maison, si récidive, afin d’éviter une visite à l’urgence. Il est à noter que d’autres études ont évalué le succès de la manœuvre de Valsalva « traditionnelle » : elle ne terminerait la TSV que chez 5 à 20% des patients…
Cette nouvelle manœuvre avec changement positionnel semble doubler nos chances de succès.
Voilà donc une autre arme prouvée efficace par les données probantes, non-dispendieuse et sécuritaire, dans notre arsenal de traitement de la TSV. Que vous ayez des résultats positifs ou négatifs lors de votre prochain cas, vous pouvez commenter.
Bonne fin de semaine,
Dr. Frédéric Picotte
Médecin de famille
Andrew Appelboam et al. REVERT trial. The Lancet.
Publié le 25 Août 2015.
http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(15)61485-4