Peut-on traiter le patient hospitalisé pour pneumonie acquise en communauté avec un beta-lactam seul (ie sans macrolide) ?
Cette étude néerlandaise dénommée CAP-START publiée cette semaine dans le NEJM a tenté de répondre à cette question. Nous savons que les guides de pratique en cours recommandent l’utilisation d’un beta-lactam et d’un macrolide versus une fluoroquinolones pour les patients hospitalisés traités pour pneumonie acquise en communauté. Cependant, les données sur l’ajout d’un macrolide au beta-lactam proviennent d’études observationnelles. Les patients à l’étude provenaient de 7 hôpitaux néerlandais et pouvaient être inclus s’ils étaient âgés de plus de 18 ans et s’ils présentaient un diagnostic clinique de pneumonie acquise en communauté, nécessitant une admission à l’étage. Étaient exclus les patients avec pneumonie hospitalisés 48 heures ou plus dans les 2 dernières semaines, les patients nécessitant une admission aux soins intensifs, les patients avec fibrose kystique, les patients vivant en soins longue durée ou avec un autre foyer infectieux évident lors de la présentation. Les patients ont été randomisée de manière séquentielle à 3 possibilités de traitement :
1) beta-lactam seul (amoxicilline ou clavulin ou ceftriaxone)
2) beta-lactam et macrolide (erythromycine ou clarithromycine ou azithromycine)
3) une fluoroquinolone seule (moxifloxacin / levofloxacin)
Chaque hôpital se voyait attribuer au hasard un de ces 3 blocs d’antibiotiques et l’appliquait à tous les patients admis pour pneumonie pour une période de 4 mois, avant de passer à un autre bloc. Ainsi, tous les patients d’un même hôpital hospitalisé pour une même période recevait le médicament à l’étude, à moins que le médecin traitant y voit une contre-indication, auquel cas ce dernier devait spécifier pourquoi il changeait l’antibiotique à l’étude. Dans ce contexte, le traitement n’était évidemment pas à l’aveugle.
Sur 3325 patients éligibles, seulement 69% ont été inclus dans l’analyse, la plupart ayant refusé de participer à l’étude ou ayant reçu leur congé avant l’obtention du consentement, ce qui peut avoir entraîné un biais de sélection. 24% des patients au total ont subi un changement d’antibiotique (ie altération du protocole prévu), la raison la plus commune étant la perception de non-couverture des atypiques par le clinicien (8.1% des patients assignés aux beta-lactam ont immédiatement changé de groupe). Un autre 8.8 % s’est vu changé de traitement per hospitalisation dans le groupe beta-lactam, suite à une perception d’inefficacité selon le jugement du clinicien (à noter que seulement 3.7 % ont changé de stratégie pour la même raison dans le groupe quinolones).
Dans l’analyse de traitement par intention et dans l’analyse de sous-groupe des patients adhérents au traitement prescrit, on n’a pas noté de différence significative quant à la mortalité 90 jours, ni à la durée de l’hospitalisation, ni en terme d’événements indésirables entre beta-lactam seul versus beta-lactam et macrolide versus quinolone seule. Les trois traitements étaient jugés non-inférieurs. La durée médiane de l’hospitalisation était de 6 jours dans tous les groupes.
Je me suis questionné sur le fait que seulement 13.3 % des patients ont reçu un traitement initial PO dans le groupe beta-lactam, versus 27 % dans le groupe des quinolones. Ainsi, la vaste majorité des patients dans cette étude ont reçu un traitement initial IV, ce qui ne correspond pas tout à fait à notre pratique actuelle. La plus grande proportion de traitement PO au départ dans le groupe quinolones a d’ailleurs conduit à une réduction du temps moyen avant le passage du traitement IV à PO, soit de 4 jours dans le groupe beta-lactam et de 3 dans le groupe quinolones.
Bref, le contexte néerlandais avec une possible différence quant aux pathogènes, les patients non-inclus et les « cross-over » limitent l’applicabilité des résultats chez nous. Cependant, il est encourageant de voir que le traitement de la pneumonie acquise en communauté pourrait se faire via un beta-lactam seul, avec possibilité de changement pour couvrir les atypiques, si besoin ressenti par le clinicien en cours de traitement, sans augmenter la mortalité, la durée d’hospitalisation ou les effets secondaire. Le protocole a donc permis de réduire d’environ 70% la couverture des bactéries atypiques, sans entraîner d’événements indésirables mesurables. Cette option de traitement devient particulièrement intéressante pour nos patients avec multiples allergies aux antibiotiques ou chez les patients avec plusieurs médicaments qui interagissent au niveau du QT. Un traitement IV à base de ceftriaxone suivi par de l’amoxicilline ou du clavulin PO plus tard per hospitalisation serait à privilégier, pour se rapprocher du protocole de cette étude. Les auteurs précisent aussi que le test de la légionellose urinaire rapide a été utilisé chez 75 % des patients, une donnée importante à considérer, si on décide d’instaurer un traitement qui ne couvre pas les atypiques (ie, les beta-lactam ne couvre pas le légionnelle).
En attendant que ces données intéressantes soient confirmées dans d’autres études,
Dr Frédéric Picotte
Médecin de famille
Étude CAP-START
Douwe F. Postma et al. Antibiotic Treatment Strategies for
Community-Acquired Pneumonia in Adults. N Engl J Med 2015;372:1312-23.
DOI: 10.1056/NEJMoa1406330