Homme de 64 ans connu FA anticoagulé, HTA/DLP, SAHOS traité, obésité classe 1, qui présente avec dyspnée x qq semaines, augmentée ++ x 3 semaines. Dyspnée au moindre effort. Présente aussi douleurs thorax vagues intermittentes, peu sévères. Pas lien franc effort. Pas DPN/orthopnée. . Ta 114/74 FC environ 100-110 irrég, sat 94% aa. Auscultation pulmonaire claire, pas de crépitants. Subtil OMI. Dx ? Examen ?
Le patient présentait surtout un tableau de dyspnée ; les douleurs thoraciques sans irradiation ni lien avec l’effort, non crescendo, semblaient « secondaires » à l’histoire. J’ai tout de suite pensé à l’insuffisance cardiaque avec surcharge pulmonaire, mais l’auscultation claire, la saturation et le rayon-X des poumons allaient contre ce diagnostic. L’embolie pulmonaire n’était pas exclue, certes, mais moins probable compte tenu la prise de rivaroxaban chez ce patient avec FA. À l’ECG, on voit évidemment la FA un peu rapide et le rythme irrégulier, sans changements convaincants du ST, même si la dérivation D2 était un peu limite… je ne pouvais néanmoins éliminer un SCA, et j’ai donc demandé le bilan cardiaque STAT et effectué des ECG sériés, pour déceler une possible progression de ce côté. La troponine est revenue normale, et les ECG subséquents étaient comparables. Cependant, en regardant de plus près, on prend conscience que le patient présente une faible amplitude des QRS, ie un micro-voltage…
En effet, par définition, les critères de faible amplitude du QRS (micro-voltage) :
• Amplitude QRS de I + II + III < 15 mm (ici environ 4 + 5 + 2 = 11 mm) ou
• Amplitude QRS V1+V2+V3 < 30 mm (ici environ 3 + 3 + 6 = 12 mm)
Nous avions donc affaire à une faible amplitude du QRS, chez un patient un peu tachycarde, qui prenait par ailleurs des béta-bloqueurs… il était dyspnéique, avec une auscultation normale… J’ai donc effectué une ÉDU au chevet qui a révélé un volumineux épanchement péricardique. Le pouls paradoxal du patient était d’environ 20 mm Hg. Nous avons posé le diagnostic de tamponnade et référé le patient au cardiologue pour une ponction rapide.
Le diagnostic différentiel du bas voltage des QRS peut provenir de deux sources :
• Faible intensité du « courant » cardiaque ( tel que rencontré parfois dans l’hypothyroïdie sévère, les maladies infiltratives cardiaques (amyloïdose, sarcoïdose) ou chez les cardiomyopathies sévères)
• Faible courant « perçu par électrodes », diminué secondairement à un isolant (comme par exemple, chez le patient obèse, avec emphysème, ou chez le patient avec effusion péricardique ou pleurale)
En résumé, on devrait toujours envisager un épanchement péricardique chez le patient tachycarde avec micro-voltage à l’ECG, surtout si le patient présente aussi une dyspnée avec une auscultation claire.
On pense souvent à l’embolie pulmonaire chez le patient tachycarde avec auscultation claire et dyspnée… l’ECG pourra vous aider à élever votre suspicion d’une possible tamponnade, quoique plus rare. L’ÉDU sera vraiment votre meilleur allié ensuite, dans ces cas-là. Nous serons probablement exposés plus souvent à cette pathologie, vu la population vieillissante et sa prévalence plus élevée d’insuffisance rénale avancée, de néoplasie et d’anticoagulants. Je pense qu’il est d’autant plus important de considérer le diagnostic si on songe à débuter l’héparine IV, car le diagnostic différentiel chez ces patients inclus souvent l’embolie pulmonaire ou l’angine instable…
Dr Frédéric Picotte
Médecin de famille